Programme de soutien à la création : « Nos artistes méritent que leurs œuvres soient exposées »
Le Centre d’Art a réalisé, le samedi 16 juillet 2022 à la Maison Dufort, une restitution-vente qui a mis en valeur des œuvres de 6 artistes plasticiens haïtiens. « … les artistes le méritent. Ceux qui ont gagné le concours (l’appel à propositions), ils méritent que leurs œuvres soient exposées, que plus de yeux explorent leurs œuvres. C’est pour cela que nous avons choisi de réaliser cet événement malgré les conditions sécuritaires déplorables du pays », a expliqué la Présidente du conseil d’administration du Centre d’Art, Michèle Duvivier Pierre-Louis.
En effet, la semaine qui a précédé le week-end d’ouverture de l’exposition, des citoyens en colère ont bloqué les rues de la capitale avec des pierres, des pneus enflammés, réclamant de meilleures conditions de vie. C’est dans cette ambiance de tension sociale que Le Centre a inauguré cette activité d’exposition et de mise en vente.
Loin d’ignorer les revendications justes des fils et filles du pays, l’ouverture de l’expo-vente a été un engagement pris par le Centre d’Art pour encourager les artistes et soutenir leurs productions artistiques. C’est une action entreprise en vue de leur permettre de respirer économiquement, « … eux qui sont souvent dans des situations extrêmement difficiles. […] Nous avons beaucoup réfléchi avant de faire cette restitution. Il y a tellement de choses qui se passent dans le pays qu’il est difficile d’accepter qu’un tel événement se réalise en parallèle. Nous avons aussi réfléchi et dit que les artistes le méritent. Ceux qui ont gagné le concours (l’appel à propositions) méritent que leurs œuvres soient exposées, que davantage d’yeux les explorent. C’est pour cela que nous avons choisi de réaliser cet événement malgré les conditions macabres du pays », a expliqué la Présidente de l’Administration du Centre d’Art, Michèle Duvivier Pierre Louis, au lancement du vernissage.
Un public-mosaïque, composé d’étudiants, d’écoliers, de responsables d’organismes culturels, et de médias, de politiques, de journalistes, entre autres, ont investi la cour et les salles de la Maison Dufort pour découvrir les œuvres de ces artistes. Ils ont été éblouis par leur créativité. « Mon coup de cœur est Shneider L. Hilaire. Il est venu avec une esthétique que je ne remarquais pas avant », a confié un étudiant. « La tête de mort siégeant dans le cercueil arborant des vitres m’a beaucoup plus. Cette imagination est fascinante », s’est réjoui Clervens Jean, un autre visiteur. À travers la restitution-vente, les artistes ont établi le rapport entre le sacré et les humains dans le vaudou. « Ils (les artistes) nous ont confirmé ce qu’on savait tous : que les créateurs et créatrices haïtiens ne manquent pas de talents et encore moins d’imagination ».
L’imagination au rendez-vous
Le pays n’est pas parvenu à entraîner l’imagination des artistes haïtiens dans sa chute vertigineuse. Ces derniers prouvent que leur créativité reste indemne. Il fallait être à la Maison Dufort pour voir un tel miracle. Six artistes, jeunes et moins jeunes, avec des techniques artistiques différentes, ont provoqué l’étonnement.
Le rez-de-chaussée abritait deux artistes notoires. Le premier, Celeur Jean Hérard, généralement connu pour ses sculptures, s’est illustré avec 9 tableaux de grandes dimensions dont 8 de format 50X90. L’artiste de la Grand-Rue occupe à lui seul 2 salles. Ses œuvres, arborant une esthétique de la métamorphose, a ébahi les visiteurs qui ne s’attendaient pas à le voir se produire dans cette technique de création.
Il a partagé le rez-de-chaussée avec Dubréus Lhérisson. Le plasticien du Bel-Air, fidèle à lui-même, a conservé la technique de l’assemblage pour donner forme à ses œuvres. Il a récupéré pas moins de 14 véritables têtes de mort qu’il a décorées avec des miroirs, des tissus, des paillettes, ciments, des perlages entre autres. Il a réalisé aussi avec ces éléments, des tableaux bourrés. Chaque œuvre incarne un personnage de la mythologie haïtienne.
La technique de Dubréus est très proche de celle de Johnny Cineus. D’ailleurs les deux artistes font dans l’assemblage. Issu aussi du Bel-Air, Cineus utilise aussi des miroirs, tissus, paillettes, ciments et perlages pour confectionner ses œuvres. Il occupe une pièce presque au fond du premier étage de la Maison Dufort vis-à-vis de la pièce où est exposé un écran géant qui passe en boucle une vidéo mettant en scène le processus de création et d’installation d’une grande sculpture de Remy Jean Eddy. C’est le seul artiste dont l’œuvre n’a pas été exposée à la Maison Dufort, car son projet était la réalisation d’une sculpture qu’il devait exposer dans la rue, à Croix-des-Bouquet.
Il ne faut pas confondre avec l’exposition de Adler Pierre qui, lui aussi a diffusé une vidéo. La vidéo d’Adler aborde l’histoire de la révolution haïtienne. En revanche, le projet du vidéaste de la Grand-Rue, a combiné d’autres techniques de création telle que la sculpture. Sa vidéo a été diffusée sur 4 écrans de 32 pouces. Ses écrans ont été disposés en cercle sur une pièce de fer découpée. L’artiste y a ajouté des tentacules de pieuvres qu’il a créés avec du caoutchouc.
Shneider L. Hilaire est l’un des artistes qui a le plus fait sensation durant l’exposition-vente. Le plasticien fait usage d’une technique de création qui a la cote depuis quelque temps auprès du public. Shneider a peint 10 tableaux qui illustrent la présence du sacré dans le vaudou : un sacrifice, une réclamation, un chevauchement, un pèlerinage etc.
Pour réaliser leurs créations, ces artistes ont bénéficié du Programme de soutien à la création du Centre d’Art, financé par l’ambassade de Suisse en Haïti. L’exposition a duré environ une semaine.
Mini-documentaire sur le déroulement du Fonds pour la création Visuelle 2022.