Ciné d’Art : Cédor, un leader plasticien qui a servi à l’émancipation de l’art haïtien
La projection du film ‘’ Céder ou l’esthétique de la modestie ‘’, le samedi 21 mai 2023, a été une occasion de revisiter Dieudonné Cédor, un plasticien doté d’un leadership et d’un esprit d’innovation qu’il a entièrement mis à la disposition du progrès de l’art haïtien.
Il a toujours voulu devenir peintre aux dépens même de la volonté de sa mère avec laquelle il a laissé Anse-à-Veau pour venir s’installer à Port-au-Prince. Elle voulait que son fils soit ébéniste. Cédor suivit son agenda en fréquentant des institutions artistiques, notamment le Centre d’Art qu’il intègre en 1947. Il avait 23 ans. Son dynamisme n’a pas laissé les dirigeants du Centre indifférents. 2 ans plus tard, il est nommé chef d’atelier des artistes populaires du Centre, avant d’en intégrer l’administration. Durant cette période, Cédor « était le plus naïf de tous les peintres naïfs », a confié dans le film le peintre Néhémy Jean.
Cédor figurait parmi les artistes en pleine expansion, dont les renommés débordaient le cadre national. Cela, en revanche, ne le satisfaisait pas. Le plasticien nourrissait et partageait avec d’autres artistes une approche esthétique différente de celle qui prédominait au Centre. Il réclamait beaucoup plus de liberté et d’ouverture pour l’art et les artistes.
Cette opposition leur conduit à créer en 1950 le Foyer des Arts Plastiques. « Le devenir de l’artiste haïtien ne doit en aucune façon être assujetti à une cristallisation hâtive imposée par le désir de satisfaire à tout prix les tendances de l’heure », est un extrait du manifeste du Foyer, repris par l’historien de l’art Michel-Philippe Lerebours.
Cédor s’est engagé à, après la fondation du Foyer à enseigner assurer la transition du paradigme esthétique qui est à la base de la séparation avec le Centre d’Art. « Quand on a fondé le Foyer, il était le premier instructeur au foyer. Mais ilavait amorcé un virage. Il n’était plus le Cédor naïf. C’est un type qui cessait de vendre pour effectuer des recherches. Il étudiait des grands maitres », a rapporté Néhémy Jean. Lerebours, intervenant dans le documentaire, estime qu’il était devenu « un peintre fortement engagé et pratiquait un art sophistiqué ».
En 1956, avec d’autres amis, dont Luckner Lazard, il fonde la Galerie Brochette. « Ce cadre a été le poumon du milieu culturel, un lieu de rencontre et d’initiation aux pratiques artistiques », a dit Mireille Pérodin Jérôme, ancienne membre du conseil d’administration du Centre d’Art, de ce lieu. Se réunissaient à la Galerie Brochette des plasticiens (peintres, sculpteurs), artisans chanteurs, musiciens, littéraires. Dans son sillage est apparu le fameux troubadour haïtien Ti Paris (Achille Paris), a raconté dans le film l’anthropologue Guy Dallemand. Rose Marie Desruisseau et Jean-Claude Garoute (Tiga) fréquentaient assez jeunes la Galerie.
Son art allait encore connaître un autre virage après celui de 1950, nous apprend Michel-Philippe Lerebours. « En 62, 63, sans renier le passé, il va progressivement désengager sa peinture », a déclaré l’historien de l’art.