Ciné d’Art : «Luckner Lazard est un homme de fidélité»
© Charly Amazan
Emilcar Similien a partagé avec le public du Ciné d’Art, samedi 25 mars 2023, ses expériences avec le peintre haïtien Luckner Lazard. Il a témoigné de la fidélité de ce peintre majeur de l’art haïtien. « Il était fidèle à lui-même, à Haïti et au peuple haïtien ».
Le Centre d’Art a fait la projection du film « La planète bleue de Luckner Lazard » le samedi 25 mars. Ce film, réalisé par le réalisateur Arnold Antonin narre, la vie du plasticien : son parcours artistique, son exil et son retour; ses études et ses rencontres à l’étranger; son addiction à l’alcool.
Le court métrage de 23 minutes a donné au cinéphile la possibilité de se sentir près de Lazard. On avait parfois l’impression de partager avec lui le poids de l’exil, de se réfugier avec lui dans l’alcool, de ressentir ses douleurs, ses manques.
Emilcar Similien, dit Simil, admirateur de Lazard, a ajouté ce qui manquait. Il n’a pas voulu exposer sur le film. L’artiste a préféré partager ses instants d’intimité avec l’aquarelliste. Un plasticien qu’il qualifie « d’homme de fidélité ».
Simil, intervenant à la causerie à guache. Godson Antoine, animateur du Ciné d’Art à droite
La fidélité de Lazard au bleu
L’œuvre de Luckner Lazard est traversée par la couleur bleue. « Quelques rares tableaux de Lazard n’ont pas de bleu », se rappelle Simil. « Je peux les énumérer sur mes doigts », renforce-t-il, soulignant qu’il « l’a associé à toutes les sauces. Ce qui fait qu’il est la colonne vertébrale de tout son travail », estime-t-il.
Le professeur n’a pas voulu s’aventurer dans le duel de la spécificité du bleu de Luckner. « Marie-Alice Théard [NDR : écrivaine haïtienne, récipiendaire duprix de la rédactrice en chef de l’année de l’Association internationale des écrivains] à parler dans le film d’un bleu ultramarine. De toute façon, on peut y mettre de tout dans le bleu de Luckner », a concédé Simil qui préfère tenter de l’interpréter. « À chaque fois que je vois ce bleu, je le rattache au vaudou. Un bleu qui nous amène à l’Afrique », croit Simil, corroborant son avis avec plusieurs anecdotes.
Sa fidélité à Haïti
« On peut dire de Luckner Lazard : demeurant à Port-au-Prince et domicilié aux Etats-Unis d’Amérique », exulte Simil, tant le plasticien était attaché à sa terre natale, son peuple, ses origines malgré une vie qu’il menait sous d’autres cieux. Ce profond chagrin l’a confiné davantage dans l’alcool. « Je l’ai visité durant son exil. J’ai rencontré un homme complètement effondré. Ce n’était plus lui qui buvait l’alcool mais plutôt le contraire », se souvient l’intervenant.
Lazard avait pourtant vécu en dehors du pays avant son départ forcé. En 1951, il a bénéficié d’une bourse pour étudier à Paris avant de faire une autre expérience au Mexique. Cependant, il n’a pas su supporter le poids de l’exil. À New York où il vivait, il a planté un bananier au seuil de sa maison, raconte son ami. « Dans mes recherches le mot latin de son bananier est musa paradisiaca sapienta. Petit paradis. Il a pris un petit paradis de chez lui pour le mettre devant sa maison », explique Simil, pour caricaturer son attachement à sa terre.