Cours 2024 : Le pari gagnant

Killy, animateur du cours de monotype et François John Woodly, un participant. © Charly Amazan

Face à des indicateurs alarmants, la programmation des cours 2024 s’est imposée comme un pari audacieux. Quatre cours, 43 participants, cette initiative courageuse a au moins permis de maintenir une dynamique de formation et de création. 

L’année 2023 s’est achevée sur une note sombre dans tous les secteurs vitaux de la vie nationale, avec des chiffres encore plus préoccupants que l’année précédente. Les prévisions pour 2024 ne laissaient guère entrevoir d’amélioration. Cependant, le Centre d’Art a décidé de prendre un pari en lançant les inscriptions pour sa première session de cours dès le 3 janvier.

Pour cette première session de l’année, le Centre a proposé quatre cours : Photographie intermédiaire, Monotype, Aquarelle, et vidéo-art. Le Centre a enregistré 43 inscrits.

Cependant, le climat sécuritaire particulièrement instable a interrompu la session dès la fin février après seulement quelques séances de cours. Certains ateliers n’ont pas même eu le temps de débuter. Malgré cette interruption, le Centre n’a pas baissé les bras. Une fois le calme revenu, la session a pu reprendre en septembre, permettant ainsi aux participants de poursuivre leur apprentissage et de finaliser leurs projets.

Au final, une seule session a été réalisée, contre deux habituellement proposées sur une année civile par le Centre d’Art. Certes, cela reste en deçà des objectifs fixés, mais cette session a tout de même apporté son lot de satisfactions.

Parmi les ateliers proposés cette année, le Centre d’Art a lancé un atelier vidéo-art, animé par Maksaens Denis. Ce cours qui a regroupé 8 professionnels de l’image, a été crutial pour le Centre d’Art, car c’est un medium qui est en nette progression dans le monde, mais encore peu exploité en Haïti. C’est pourtant « un medium d’un mode d’expression libre, adapté à nous, Haïtiens, qui aiment donner libre cours à notre imagination », a partagé Maksaens à la fin de l’atelier. 

L’objectif de ce cours était d’encourager l’exploration artistique, développer de nouvelles compétences et favoriser l’interdisciplinarité entre de nouveaux médiums de l’art visuels tels que l’art numériques, la photographie, la vidéographie. « C’est un domaine qui m’a toujours intéressé et intrigué », a confié Josué Azor, photographe. « Après le lancement des inscriptions pour ce cours, par le Centre d’Art, comme je suis dans l’image, j’ai pensé que c’était une opportunité à saisir. Il faut dire que depuis quelque temps, je m’amuse à prendre des petites séquences de vidéos dans les rues, dans mon entourage. Avec ce que je viens d’apprendre avec Maksaens, j’ai déjà une idée sur la façon dont je vais les exploiter », a-t-il ajouté.

Les participants, pensent déjà à utiliser ce medium dans leur création prochainement. « J’ai trouvé davantage que ce que j’espérais trouver. À présent, je suis à même de penser un projet artistique avec mes préoccupations qu’elle soit politique, sociale ou économique. Quand quelqu’un vera mon travail, il prendra plaisir à regarder un travail artistique, mais questionnera aussi le problème que je veux pointer du doigt » a expliqué Molière Adely, photojournaliste. 

D’ailleurs, les devoirs finaux qu’ils ont remis témoignent d’une assimilation et d’une appropriation rapides de ce medium. « Je suis très satisfait des propositions qu’ils ont fait à la fin. Avec les matériels que nous avons, nous avons de quoi à faire une belle exposition », a confié Maksaens. 

Le cours de photographie intermédiaire avait un tout autre objectif. C’est une proposition aux intéressés qui ont suivi le cours de photographie pour débutant, de peaufiner leur technique mais de surtout acquérir des capacités pour monter un projet de photographie depuis sa conception jusqu’à son exécution. C’est sans doute cette approche qui fait de ce cours le plus prisé des ateliers proposés par le Centre d’Art. Très attendu chaque année, il a enregistré l’inscription de 16 participants avant la fin des échéances. Cette année, alors que le Centre avait eu la quantité maximale de participants à ce cours avant la fin des inscriptions, une photographe venue du Cap-Haïtien a sollicité la bienveillance du Centre pour lui permettre de suivre le cours. Tenant compte de l’immensité du sacrifice, avec l’accord de Pierre Michel Jean, l’animateur du cours, l’administration l’a autorisée à le suivre. Le cours s’est achevé le 9 octobre.  

Pour les cours de monotype et d’aquarelle, la majorité des participants ont découvert ces médiums pour la toute première fois. Ces ateliers leur ont offert une occasion précieuse de s’initier à des techniques artistiques inédites, tout en explorant de nouvelles formes d’expression créative. Ils ont témoigné de leur intention d’intégrer ces techniques dans leur pratique artistique, soulignant à quel point cette expérience a enrichi leur vision et ouvert des perspectives pour leur carrière. « Je faisais que des peintures sur toiles. C’est une alternative que je viens d’ajouter dans mon sac », a lâché Voltaire Oka qui a suivi l’atelier monotype. C’est « un luxe » pour Regis Ralph Ben qui souligne l’importance d’un tel atelier dans un contexte où les matériels sont de moins en moins disponibles et plus cher. « le monotype c’est que du vitre, du papier et de la peinture. Nous avons donc une alternative en cas de rareté de matériels », a-t-il avancé. 

Malgré les obstacles rencontrés, le bilan des cours 2024 du Centre d’Art met en lumière une résilience exemplaire et un engagement renouvelé envers la formation artistique en Haïti. Chaque atelier a offert aux participants des opportunités uniques d’exploration et de création, dans des conditions loin d’être idéales. Ces initiatives, portées par la passion des artistes et des animateurs, ont non seulement permis de maintenir une dynamique culturelle, mais ont aussi jeté les bases pour de nouvelles perspectives dans un contexte où l’art demeure une forme puissante de résistance et d’expression.

L’année a prouvé que même en période d’incertitude, le pari de l’audace et de la persévérance est un pari gagnant.