Les cartes blanches 2023 du Centre d’Art accordées à Marie Gérald Morilus et Ronald Edmond
Marie Gérald, à droite, travaille avec des participants dans son atelier de perlage au Centre d’Art. © Josué Azor
Marie Gérald Morilus, artiste évoluant au Bel-Air et Ronald Edmond qui tenait son atelier à Carrefour-Feuilles, vont profiter de cette opportunité pour explorer davantage le perlage dans leurs créations, et initier 12 jeunes artistes plasticiens à cette technique de création artistique.
Cette année, les cartes blanches du Centre d’Art favorisent la création d’artistes plasticiens qui sont parmi les principales victimes des crises auxquelles le pays est confronté.
« Nous avons estimé certes qu’il était nécessaire d’intervenir directement et de les supporter financièrement. Mais le plus important, c’est de leur accorder la possibilité de maintenir leurs activités de création, et qu’au-delà des difficultés, ils parviennent à concrétiser des projets artistiques qu’ils ont toujours souhaité », a déclaré Allenby Augustin, Directeur exécutif du Centre d’Art.
Atelier de Ronald Edmond avant l’incendie. © Facebook Ronald Edmond
Ronald Edmond, au mois d’août dernier, a vu son atelier, vieux de plus d’une dizaine d’années, partir en fumée. Il y contenait pendant l’incendie plus de 200 pièces. « Je n’aurais jamais pu imaginer une situation pire que celle-ci. Honnêtement, je ne l’ai pas vu venir. Parfois, je le vis comme un cauchemar qui dure bien trop longtemps, beaucoup trop longtemps », se lamente Ronald. « Dans cet atelier se trouvaient des pièces que nous chérissions, certaines que nous n’avions jamais envisagé de vendre, d’autres auxquelles nous étions profondément attachés, des œuvres que nous avions prévu de léguer à nos enfants », se remémore-il. Six autres artistes travaillaient à l’atelier, désormais au chômage.
La vie artistique au Bel-Air est en état de mort cérébrale. Ce sont des institutions comme FOKAL, le Centre d’Art qui la maintiennent sous respiration artificielle
Marie Gérald Morilles
Les déboires de Marie Gérald remontent à un peu plus longtemps. « Les épisodes de ‘’Pays lock’’ survenus en 2020, la reprise des guerres entre les quartiers, l’insécurité généralisée… ont d’abord contraint la majorité des habitants à quitter le quartier. Puis les visiteurs, les touristes locaux et étrangers ne voulaient plus y mettre les pieds. La vie artistique au Bel-Air est en état de mort cérébrale. Ce sont des institutions comme FOKAL, le Centre d’Art qui la maintiennent sous respiration artificielle », se plaint l’artiste qui souligne qu’elle avait déjà observé environ 9 ans d’inactivité. « Après le tremblement de terre du 12 janvier 2010, j’avais tout laissé tomber. Je n’avais ni les moyens ni la force de continuer à produire. J’ai repris mes activités en 2019 et un an après, la situation sécuritaire de mon quartier a dégénéré », regrette-t-elle.
Marie Gérald s’est spécialisée dans la création de drapeaux vodou ornés de paillettes. Elle a hérité de cette technique de sa tante qui sollicitait souvent ses services quand elle travaillait. « Ma tante confectionnait des sandales, des portemonnaies, des sacs ornés de paillettes. J’avais la charge d’incruster les paillettes sur ces objets. J’y ai pris goût et voilà ! », raconte-t-elle.
Créer ou se réinventer
Marie Gérald profitera de cette carte blanche pour réaliser des projets de créations qu’elle n’avait pas pu concrétiser en raison de contraintes financières. « J’avais toujours de grandes idées de création en tête, mais je manquais de moyens pour les mener à terme », confie-t-elle. « Je pense que je vais essayer de les accoucher », prévoit-elle.
© Josué Azor
Quant à Ronald Edmond, il envisage de se relancer artistiquement en créant les premières œuvres de sa nouvelle collection. « La démarche, c’est de pouvoir me regarder une nouvelle fois à travers mes œuvres. Me sentir exister », confesse le plasticien.
Ronald Edmond, à droite, travaille avec des participants dans son atelier de perlage au Centre d’Art. © Josué Azor
Du 11 octobre au 10 décembre 2023, ces deux artistes travailleront au Centre d’Art, partageant leurs expertises avec 12 jeunes artistes plasticiens. Ils ont organisé des ateliers où ils encadreront six artistes chacun, échangeant ensuite leurs groupes après quatre semaines de travail intensif.
Des participants de l’atelier de Ronald Edmond réalisent des drapeaux vodou. © Josué Azor